Éditions GOPE, 228 pages, 13x19 cm, ouvrage illustré, 18.85 €, ISBN 978-2-9535538-5-7

lundi 7 mai 2012

Douce tristesse


Une impression de tristesse se dégage de Trois autres Malaisie de Robert Raymer. Vous ressentez la solitude, l’affliction, la frustration. Les personnages semblent pris au piège de leur petit monde, certains sont même si égocentriques qu’ils sont incapables de voir au-delà de leur nombril.

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : ces histoires sont intéressantes. Mais elles sont tristes ! Le bonheur semble absent de la vie des protagonistes. Vous pourriez reconnaître la majorité d’entre eux, bien qu’ils ne soient pas réduits à des stéréotypes ; ils ressemblent à des gens que vous avez dû rencontrer quelque part, à quelque occasion, et auxquels vous n’avez jamais franchement fait attention avant qu’ils ne soient mis au premier plan dans ce livre étrangement émouvant.

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En fait, c’est ce qui, à mes yeux, rend Trois autres Malaisie touchant : son caractère authentiquement malaisien. Je ne lis pas beaucoup de livres écrits par des Malaisiens (ou des auteurs vivant en Malaisie), alors je ne suis pas la mieux qualifiée pour comparer. Par contre, j'ai vraiment apprécié de pouvoir reconnaître les personnages de ces histoires et pour certains, je pouvais même m'identifier à eux.
Prenez par exemple Les pierres saintes. C’est typiquement malais de penser qu’un homme qui a l’air d’un religieux est forcément honnête ; dans ce cas, on comprend très bien pourquoi Roshma lui achète des pierres magiques aussi chères. Mais cette histoire ne se termine pas exactement comme toutes ces escroqueries qui sont relatées dans les journaux, parce que Raymer y a rajouté un élément qui vous fait vous demander… et si ?

Considérez ensuite La chambre de grande sœur, où l’auteur décrit la jalousie d’une petite fille pour son aînée qui a droit à un traitement de faveur. On voit les choses par les yeux de la fillette, avec ses mots, en toute innocence. Cependant, Raymer laisse supposer avec subtilité que quelque chose ne tourne pas rond, et c'est effectivement et malheureusement le cas.

Les vendredis est l’une de mes préférées. Les personnages sont si bien campés qu'ils prennent littéralement vie, vous pouvez presque les voir et les entendre. Cette nouvelle est très réaliste et les interactions entre les différentes races sont résumées d’une manière que je ne pensais être possible que de la part d’un Malaisien.
Le protagoniste essaie vraiment de comprendre l’autre passager, une Malaise, il désire savoir ce qui la préoccupe. Pendant ce très court trajet en taxi, les émotions naissent si intensément qu’elles finissent par devenir une obsession. Sauf qu’il laisse passer le moment sans rien faire et qu’après, il est trop tard. Si seulement…

Il y a beaucoup de « si seulement » dans ce livre…

Certaines histoires mettent en scène des expatriés, certains d’entre eux ne trouvent pas leur place en Malaisie où tout leur est si étrange et différent. Dans la plupart des cas, Raymer décrit des comportements dont nous avons tous été les témoins ou acteurs, et il réussit même à ce que nous nous mettions dans la peau de ces expatriés ; nous voyons alors les choses à leur façon. Mat Salleh, où une jeune Malaise présente son mari américain à sa famille dans son village natal, en est le meilleur exemple.

Dans cette autre histoire de couple mixte, Naufrage, […] un étranger suit son épouse malaise ici, mais leur mariage tourne court et il reste coincé dans un pays qui ne lui semble plus du tout accueillant. Triste !

Les amants anonymes a toutefois une fin plus heureuse bien qu'elle ait une tonalité lugubre. C’est assez intéressant de voir comment un homme peut être attiré par le même genre de femmes auto-destructrices sans se rendre compte qu’il se met en danger lui-même à chaque fois.

Je dois avouer que j’ai été agréablement surprise par Trois autres Malaisie même si je me suis sentie un peu mélancolique en le refermant. Mais, quelquefois, la mélancolie a une action libératrice…

Dzireena Mahadzir
The Star, Petaling Jaya, Malaisie